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A la découverte du kaléïdoscope sénégalais

Beaucoup de gens en Europe ignorent l'histoire de l'Afrique d'avant la colonisation. Certains pensent même que le continent était une sorte de vide historique et social. Il n'en est évidemment rien : non seulement parce que les scientifiques s'accordent sur le fait de reconnaitre que l'humanité est née en Afrique mais aussi parce que l'Afrique comptait avant la colonisation une myriade de sociétés structurées, des royaumes, des empires, etc… chacun doté d'un patrimoine culturel était très diversifié. Le Sénégal, dont les frontières ont été artificiellement dessinées en Europe à la fin du XIXème siècle, témoigne de cette extraordinaire diversité des peuples qui le composent.

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Si le wolof est devenu la langue locale dominante au Sénégal, le pays compte en réalité pas moins d'une quarantaine de langues différentes qui incarnent chacune autant de peuples, de coutumes, de cultures et de mode d'organisation. Pour illustrer cette richesse, je publie ci-dessous un petit lexique non exhaustif et sans doute trop approximatif des principales ethnies présentes au Sénégal, par ordre alphabétique. Bienvenue dans le riche kaléidoscope sénégalais :

  • Les Badiaranké occupent un petit territoire au sud-est du Sénégal, en Guinée et en Guinée-Bissau. Leur nom provient du Mont Badiar qui donne aussi son nom à cette région. La population totale est estimée à 12 200 individus.

  • Population initialement forestière estimée à 34 500 individus, les Baïnouk se répartissent en Casamance, Guinée-Bissau et Gambie. Les Baïnouks composeraient la population la plus ancienne du Sénégal.

  • Les Balantes constituent une autre petite ethnie implantée en Casamance, Guinée-Bissau et Gambie. En 1988, leur population était estimée à 54 398 individus.

  • Les Bambaras appartient au groupe des Mandingues : ils sont établis principalement au Mali et leur langue est le bambara mais sont aussi implantés dans toute la bande sahélienne et donc aussi au Sénégal. En 1988, leur population vivant au Sénégal était estimée à 91 071 individus.

  • Les Bandials sont originaires de Casamance et leur langue commune est le bandial. La population était estimée à 10 125 individus en 2012.

  • Les Bassari vivent principalement sur les plateaux du Sénégal oriental et dans le nord de la Guinée. Selon certains scientifiques, les Bassari seraient apparentés aux Bantous d’Afrique centrale et australe. En 2014, leur population était estimée à 17000 individus. Ils pratiquent les religions traditionnelles (animisme).

  • Les Bayot sont implantés en Casamance, en Gambie et en Guinée-Bissau. Leur langue commune est le bayot.

  • Les Bédik vivent dans le sud-est du Sénégal (arrondissement de Bandafassi) à proximité de la Guinée dans des villages d'altitude d’accès difficile. Leur population était estimée à 3 375 individus en 2002. Leur langue commune est le bédik. Implantés dans une région de faible islamisation, les Bédiks ont une religion propre associant les croyances traditionnelles au catholicisme. Ils croient en un dieu créateur et à la résurrection des corps après la mort. Quelques-uns sont chrétiens et une case-église existe à Iwol.

  • Les Coniaguis sont établis au Sénégal et en Guinée et au Nord-Ouest du Fouta Djallon, dans une région de basses collines. Leur langue commune est le coniagui parlée par 23 670 personnes, dont 18 400 au Sénégal (estimation de 2007) et 5 270 en Guinée (estimation de 2001).

  • Etablis au Sénégal, en Guinée, au Mali et en Gambie, les Diakhankés sont d’origine soninké et appartiennent au groupe des Mandingues. Leur population est estimée à 70 000 personnes. Ils pratiquent l’Islam.

  • À l’époque de l’empire du Mali, les Diallonkés vivaient sur les plateaux de l’actuel Fouta-Djalon et étaient agriculteurs. De nos jours les Diallonkés pratiquent encore quelques rites anciens qu’ils ont conservés et sont presque tous musulmans. Mandingues, ils portent des patronymes tels que Cissé, Camara, Touré, Doucouré, Souaré, Soumaré, Diakité, Soumah etc. Comme toutes les ethnies africaines, les Djallonké pratiquent le culte des ancêtres et parlent le Jalonké.

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  • Établis sur un territoire qui s’étend sur la Gambie, la Casamance et la Guinée-Bissau, les Diolas sont composés de plusieurs sous-groupes. Leur identité se caractérise par l’usage des langues diola. Leurs premiers contacts avec les puissances européennes datent de 1456. Les Diolas sont principalement des riziculteurs et des récolteurs de vins de palme (Bunuck). L’autosuffisance alimentaire est un aspect très important chez les Diolas. L’épargne occupe une place primordiale et permet de financer les besoins familiaux, communautaires ou des cérémonies religieuses. Les Diolas sont composés de plusieurs sous-groupes : Ajamat, Kassa, Fogni, Bluff..

  • Les Karones sont apparentés aux Diolas et vivent principalement en Casamance, sur la rive droite du fleuve et dans les îles de l’embouchure et en Gambie. Ils représentent environ 2 % de la population du Sénégal. Leur langue est le Karone.

  • Les Khassonkés sont un peuple mandingue vivant principalement dans la région de Kayes (Mali), en Mauritanie, au Sénégal et en Gambie. Selon le recensement de 1988 au Sénégal, les Khassonkés étaient 1 752. Issus du métissage des Malinkés et des Peuls, ils font partie du groupe des Mandingues. Certains Khassonkés revendiquent leur origine peule ; c’est le cas des familles Diallo, Sidibé, Diakité, tandis que d’autres revendiquent leur origine malinké, c’est le cas des familles Sissoko, Konaté, Dembelé. Le mot “Khassonké” vient du mot “Khasso”, qui désigne en malinké la laine. Lorsque les Peuls vinrent s’installer chez les Malinkés, ils portaient sur eux des boubous en laine (khasso). Ce nom est donc resté et a été donné à la région. Khassonké signifie « porteur de khasso ». Les Khassonkés sont des agriculteurs sédentaires, aujourd’hui tous musulmans. Leur langue, le Khassonké, est très proche du Bambara.

  • Les Laobés composent une communauté importante au Sénégal. Ils appartiennent à l’ethnie Peul et sont répartis en Guinée, Sénégal, Mali et Mauritanie. Les Laobés sont des artisans spécialisés dans le travail du bois. Ils se subdivisent en deux groupes : les Lawbe lana vivant le long des fleuves, spécialisés dans la fabrication de pirogues, qui sont sédentaires, et les Lawbe worworbe qui fabriquent divers objets de la vie quotidienne (mortiers, pilons, cuillères, coupes, plats, instruments de musique, sièges etc.), qui sont nomades. Les Laobés sont réputés pour leur endogamie stricte. Ils sont très majoritairement musulmans.

  • Les Lébous sont une communauté concentrée dans la presqu’île du Cap-Vert qu’ils habitaient déjà à l’arrivée des premiers colons. Ils sont également implantés sur la Petite Côte. Les lébous parlent le wolof. Ils sont aujourd’hui presque tous musulmans, mais ont conservé des pratiques propres à leur religion traditionnelle. Ils sont traditionnellement des pêcheurs et cependant certains pratiquent aussi l’agriculture.

  • Les Malinkés sont présents en Guinée, au Mali, au Sénégal, en Gambie et en Côte d’Ivoire. Le terme “Malinké” est synonyme de “Mandingue”. Les Mandingues ont donné naissance à des ethnies comme les Bambaras qui refusèrent l’islamisation et les Khassonkés issus d’un mélange de Peuls et de Mandingues. Les Malinkés étaient l’ethnie dominante de l’empire du Mali. La polygamie est une pratique courante chez eux. Ils sont avant tout des agriculteurs et confient leur troupeau aux Peuls. La langue mandingue fait partie des langues parlées par plus de dix millions de personnes réparties dans une quinzaine d’États d’Afrique de l’Ouest. Au Sénégal, les Mandingues sont appelés Sossés par les Wolofs et les Sérères. Aujourd’hui la quasi-totalité des Mandingues sont musulmans, mais les rites et les croyances traditionnelles ont plus ou moins été conservés.

  • Les Maures constituent un ensemble de populations au nombre de 2 millions environ, répartis du Haut Atlas jusqu’au fleuve Sénégal. Ils sont de langue arabe et considérés issus du métissage de populations arabes bédouines, berbères et noires. L’élevage, plus ou moins nomade, constitue leur activité principale. Dans les régions les plus arides, les troupeaux sont composés de chameaux et de chèvres ; ailleurs, ils comprennent également des chevaux et parfois des bovins. Les laitages forment la base de l’alimentation. Les Maures ont la réputation d’être d’excellents commerçants. Le mariage est monogame. La société est très hiérarchisée avec à leur tête les marabouts et l’aristocratie. Leur islamisation remonte au XVe siècle.

  • Les Maures Darmanko appartiennent à la communauté des Maures (cf ci-dessus). Ils sont particulièrement nombreux au Sénégal où ils sont appelés “Naar” (mot signifiant “Arabe” ou “Maure” en wolof). Les Darmanko ont tenu un grand rôle dans l’histoire du Sénégal où ils sont installés depuis des siècles. Ils y étaient le plus souvent marabouts musulmans ou commerçants, en particulier de la gomme arabique. Aujourd’hui les Darmanko sont métissés avec les diverses ethnies voisines, notamment wolofs et peuls. La société maure est très proche, historiquement et culturellement, de celle des Touaregs, ou Tamachek. Les Maures parlent le dialecte hassaniyya, langue arabo-berbère, où l’on remarque de nombreux mots empruntés au wolof, au français, au soninké, etc. Les Darmanko, tous musulmans, appartiennent aux confréries islamiques soufi : mouride, qadiriyya, tidjaniya. Avec les Toucouleurs et les Soninkés, les Darmanko furent des propagateurs de l’islam au Sénégal. Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, originaire du Baol, créateur du mouridisme, reçut un grand soutien de la communauté darmanko. Ce qui explique la présence de fortes communautés darmanko dans la région de Diourbel, haut lieu du mouridisme même si les Darmanko sont répartis sur tout le territoire sénégalais.

  • Les Ndut qui vivent au centre-ouest du Sénégal constituent un sous-groupe au sein de l'ethnie Sérère. Ils parlent le “ndut”. Le nombre de locuteurs du ndut était estimé à 38 600 en 2007. Les Ndut parlent également le wolof.

  • Les Niominka sont établis dans les îles du Saloum. Ils forment eux aussi un sous-groupe des Sérères. Leur territoire est le Gandoul et représentent moins de 1 % de la population du Sénégal. Les Niominka sont agriculteurs (riz, mil, arachide), éleveurs et « gens de mer » : la pêche pour les hommes et la cueillette des coquillages pour les femmes.

  • Les Nones appartiennent au groupe des Sérères. On les rencontre principalement dans la région de Thiès. Ils parlent le “noon”. Les Nones sont d’abord de religion traditionnelle, ayant résisté mieux que d’autres ethnies au prosélytisme musulman des marabouts venus du Djolof ou du Fouta. Ils suivent les préceptes de la religion sérère.

  • Les Papel vivent principalement en Guinée-Bissau (7 % de la population) ainsi qu’en Casamance au sud du Sénégal. Leur langue est le papel.

  • Les Peuls (appelés aussi Foulani, Fulbhés, Fulfulde ou Pular) sont un peuple établi dans toute l’Afrique de l’Ouest et au-delà de la bande sahélo-saharienne, soit au total une quinzaine de pays différents, pour un total d’environ 45 millions de personnes. Les Peuls sont nombreux au Sénégal bien que minoritaires. Le socle de leur identité est la religion musulmane, la compétence pastorale, une tendance à l’endogamie et la langue peule. Les Habobe constituent l’un des dizaines de sous-groupes peuls du Sénégal. Le “pulaar” est le peul parlé sur les bords du fleuve Sénégal, d’où le nom des habitants, les Haalpulaaren (« ceux qui parlent pulaar »). Si l’historien Cheikh Anta Diop a lié les Peuls à l’Égypte, comme il l’a fait pour les Sérères et Wolofs, cette théorie a été contestée par d’autres chercheurs. Les femmes peules pratiquent le tatouage des lèvres et des gencives à l’indigo, des paumes de la main et des pieds. La société peule est fortement hiérarchisée : l’aîné est respecté et même craint. Les formules de politesse et les règles du savoir-vivre sont nombreuses et très importantes : le vouvoiement est prédominant. La polygamie est minoritaire et se rencontre surtout chez les Peuls urbains et islamisés.

  • Les Sérères sont principalement présents au centre-ouest du Sénégal, du sud de la région de Dakar jusqu’à la frontière gambienne et forment, en nombre, la troisième ethnie du Sénégal, après les Wolofs et les Peuls. Les royaumes précoloniaux sérères comprenaient le royaume du Sine et le royaume du Saloum. Le royaume du Baol fut aussi gouverné par les Sérères pendant plusieurs siècles avant 1549. Les Sérères font partie, avec d’autres ethnies, des ancêtres des Wolofs. Les Lébous et Toucouleurs sont également descendants des Sérères. Traditionnellement, les Sérères sont des pêcheurs et des agriculteurs et parfois des éleveurs. Ils sont aussi propriétaires terriens. Les Sérères sont à l’origine de la lutte sénégalaise. Les Sérères et les Toucouleurs sont unis par un lien de cousinage appelé parenté “à plaisanterie”, qui leur permet de se critiquer, mais les oblige aussi à l’entraide et au respect mutuel. La langue sérère est l’une des langues locales reconnues au Sénégal.

  • Les Soninkés sont établis principalement au Mali ainsi qu’au Sénégal, en Mauritanie, en Gambie et en Guinée-Bissau. Leur langue est le soninké dont le nombre de locuteurs a été estimé à 250 000 au Sénégal en 2007. Les Soninkés se sont convertis à l’islam au XIe siècle. Au XIXe siècle, Mamadou Lamine Dramé, marabout soninké, fut l’un des plus grands résistants contre la colonisation au Sénégal. Au Sénégal, selon le recensement de 1988, les Soninkés étaient 113 184. Il existe une importante diaspora, notamment en région parisienne depuis la fin des années 1950. Dès l’époque précoloniale, la société soninké pratique le commerce d’esclaves pour progressivement se transformer en société esclavagiste. Ainsi, jusqu’à la fin du XIXe siècle, dans les régions qu’elle occupait, la population pouvait être constituée d’un tiers ou de la moitié d’esclaves.

  • Les Toucouleurs vivent principalement dans la vallée du fleuve Sénégal, en Mauritanie, en Guinée et au Mali. Ils sont issus de l’ethnie peule mais s'en distinguent par leur sédentarité. Ils ont fondé le tout premier royaume peul datant du XIe siècle, le Tekrour et cohabitèrent avec les Mandingues, Sérères, Wolofs et les Maures. Le nom « Toucouleur » est la déformation du mot “Tekrour”. Ils se désignent sous le nom de Haalpulaaren (ceux qui parlent le pulaar). Les Toucouleurs ont été convertis à l’islam par les commerçants musulmans arabo-berbères au XIe siècle. Les Toucouleurs furent par la suite parmi les plus grands propagateurs de l’islam en Afrique de l’Ouest. El Hadj Oumar Tall a fondé un empire toucouleur au XIXe siècle sur une partie de l’actuel Mali. Au Sénégal, les Toucouleurs sont au nombre de 1 673 000 habitants et toute la population Haalpulaar (Peuls + Toucouleurs) est estimée à environ 3 600 000 personnes.

  • Les Wolofs vivent principalement au Sénégal où ils représentent près de la moitié de la population du pays mais sont aussi présents au Mali. Ils sont presque tous musulmans. La tradition orale wolof rapporte que les Wolofs sont originaires de la vallée du Nil. Les Wolofs ont d’abord cohabité avec les Berbères dans le sud-est de la Mauritanie, en compagnie des Peuls, des groupes mandingues, des Soninkés et des Sérères. Leur langue étant le wolof, c’est leur présence massive dans les principaux centres urbains qui a permis, dès l’indépendance du Sénégal, de l’imposer comme principale langue nationale. Bien avant le français, c’est la langue la plus comprise par les différentes ethnies sénégalaises (près de 85 % de la population). Le phénomène de « wolofisation » s’accentue de nos jours, notamment grâce à l’urbanisation, car parler le wolof lorsqu’on vit dans des villes comme Dakar, Louga, Thiès, Saint-Louis ou Kaolack, Diourbel est indispensable. Dans la famille wolof, le respect envers les aînés et les plus âgés que soi est primordial. Les Wolofs vivent depuis toujours de l’agriculture. Ils cultivent traditionnellement le mil qui était la base de l’alimentation, le manioc, le haricot, le coton, le melon, la pastèque, les courges, l’arachide et d’autres cultures sahéliennes. L’élevage est leur deuxième activité. Traditionnellement, ils confient leurs troupeaux de vaches aux Peulhs et élèvent toujours des ovins ainsi que des volailles et parfois des chameaux, les ânes sont utilisés pour les travaux champêtres et pour la corvée du portage. Leur troisième activité traditionnelle est la pêche et une forte majorité des pêcheurs au Sénégal sont des wolofs. Ils sont aussi très présent dans le commerce, le transport et dans l’artisanat.

Vous le voyez : le Sénégal est un pays aux origines très diverses dont le pays a décidé de faire une richesse, tant la cohabitation de ces peuples se fait dans l'intelligence collective : ainsi la "parenté à plaisanterie" est un mode d'échanges typique qui permet au sein d'une même famille ou entre membres d'ethnies différentes de se moquer parfois même s'insulter, sans conséquence. On dit même que ces comportements culturellement ancrés contribuent à cimenter la société ouest-africaine.


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