La pêche est un secteur d’activité très important au Sénégal. Certes, il ne représente qu’un peu plus de 3% du PIB global du pays (12% du PIB du secteur primaire) mais cette activité contribue pour 70% aux apports en protéine animale des habitants du pays, ce qui le rend absolument déterminant et même vital dans la région de la petite Côte. C’est aussi un secteur fort employeur de main d’œuvre : dans le seul village de Nianing, j’ai déjà pu compter plus de 200 pirogues remontées sur la plage.
La pêche au Sénégal est rendue possible par la rencontre de deux phénomènes naturels, météorologique et topographique.
La météo. Il y a deux grandes saisons de pêche au Sénégal, calée sur l’alternance des deux saisons météorologiques :
la saison « froide » de novembre à mai est le résultat des alizés qui sont des vents frais de secteur nord. Ces vents chassent les eaux superficielles chaudes et, par ce mouvement, provoquent la remontée d’eaux profondes, froides et riches en sels nutritifs. On appelle ça l’upwelling. Cet upwelling est à la base de la grande richesse biologique de la région durant cette saison hivernale.
La saison « chaude » correspond à ce qu’on appelle ici l’hivernage (saison des pluies), de juin à octobre. Durant cette période, la transgression des eaux tropicales refoule les eaux de l’upwelling vers le nord et font remonter le long de la côte sénégalaise les eaux guinéennes plus chaudes et moins salées, jusqu’à ce que les alizés réapparaissent en novembre. C’est la saison la moins fructueuse pour la pêche côtière.
La topographie. Le littoral sénégalais compte environ 500 kilomètres de côtes.
Au nord, de Saint-Louis à Dakar, c’est la « grande Côte » rendue célèbre par les arrivées du rallye Paris-Dakar d’antan. Elle est constituée d’une succession de dunes sur lesquelles se casse une barre impressionnante ; la baignade y est extrêmement dangereuse et le littoral ne présente que peu de points de débarquement des bateaux.
A hauteur de Dakar, la capitale est bâtie sur la presqu’île du Cap Vert d’origine volcanique : la côte y est essentiellement constituée de petites falaises.
En allant vers le sud, la « petite Côte », elle, est basse et sableuse, hormis quelques rares falaises comme à Popenguine. La pêche y est donc plus aisée et permet aux pirogues d’accoster en toute sécurité. C’est dans ces eaux plus calmes que s’est développée la technique dite du « filet encerclant » ou « filet dormant » tiré à la main depuis la plage.
A l’extrémité sud du pays, se succèdent enfin plusieurs estuaires fluviaux : le Siné Saloum, le fleuve Gambie puis le fleuve Casamance, propices aux deltas sablonneux et à la mangrove.
La pirogue sénégalaise. A l’origine, cette embarcation était peu profonde et monoxyle, c’est-à-dire fabriquée d’une seule pièce tirée d’un tronc d’arbre. Mais elle s’est avérée dangereuse pour la navigation sur l’océan et a donc été progressivement réservée aux fleuves et aux estuaires. Puis est née la pirogue à bordage rapporté : le tronc d’arbre évidé et taillé ne constitue plus désormais que le fond de la pirogue sur lequel est installé un bordage constitué de longues planches superposées, des éléments de toile et de goudron assurant l’étanchéité de l’ensemble. Caractéristiques des pirogues sénégalaises, de longs éperons de bois prolongent à l’avant et à l’arrière le corps de la pirogue et lui donnent cet aspect reconnaissable entre tous.
Initialement propulsées à la pagaie puis à la voile, les pirogues sénégalaises sont équipées depuis les années 1960 de petits moteurs hors-bords pour lesquels des puits sont creusés à l’arrière des pirogues.
Devant Keur Camape, quasiment chaque jour, sont déployées des sennes de plage. Ce sont des filets de 300 à 400 mètres de long avec une chute centrale plus large pour constituer une sorte de poche. La pirogue quitte la plage en déployant derrière elle la senne, puis effectue un large demi-tour pour revenir vers la plage. Des équipiers demeurés sur le sable se mettent alors à remonter le filet par ses deux extrémités. Il n’est pas rare de voir des passants, touristes ou pas, ou de vieux pêcheurs venir prêter main forte aux jeunes gaillards qui tirent le filet en chantant pour se donner du courage et coordonner leurs mouvements au gré des vagues.
A l’arrivée sur la plage, c’est la surprise : certaines remontées de senne ressemblent à une pêche miraculeuse. D’autres sont plus décevantes : c’est tout l’aléa de cette activité artisanale. Gros client de cette pêche, je peux témoigner qu’à moins de 200 mètres de la plage juste devant Keur Camape, on peut remonter assez souvent des soles ou des mulets de plus de 50 cm et quelques belles lottes comme en témoignent les photos ci-dessous.
Le produit de cette pêche artisanale est principalement dévolu au marché local, alors que les gros chalutiers industriels qui pêchent au large, au grand dam des pêcheurs locaux, destinent leur production à l’exportation. Mais ceci est un autre (grand) sujet sur lequel nous reviendrons bientôt ici…
Et vous ? Quand venez-vous acheter votre poisson sur la plage devant Keur Camape ?
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